
Il semblerait que notre façon de nous exprimer trahisse notre niveau de stress physique même si nous ne le ressentons pas psychologiquement.
Mais si nous ne nous sentons pas stressé, à quoi bon relever nos tics de langage ? Et bien, tout simplement parce qu’un stress physique, surtout s’il est permanent, possède des effets délétères sur notre santé et nous rend plus vulnérable autant aux petits bobos du quotidien qu’aux plus grosses pathologies. En repérer les signes extérieurs est donc un bon calcul.
Des chercheurs américains nous éclairent sur ce sujet.
La génomique sociale ou quand notre environnement influence nos gènes
La recherche sur la génomique sociale est un domaine de la génomique qui étudie comment les facteurs et processus sociaux influencent notre patrimoine génétique. Les scientifiques de cette spécialité ont depuis longtemps identifié ce que l’on appelle en anglais « Conserved transcriptional response to adversity (CTRA) ». Concrètement cela signifie que notre organisme, en cas de « coups durs » ou de vie rude, va favoriser l’expression de certains gènes ayant un impact négatif. La plupart des thérapies psychologiques s’appuient d’ailleurs là-dessus et tentent de réduire l’expression de ces gènes.1
De nombreuses études sont régulièrement menées sur le sujet et l’une d’entre elle nous a récemment interpellée.
Quand notre langage révèle notre niveau de stress physique
Des chercheurs de l’Université de Californie 2 ont récemment mis en évidence que notre façon de parler au quotidien révèlerait bien mieux notre niveau de stress physique et notre vulnérabilité aux maladies que ce que nous ressentons.
Les niveaux de stress ressentis consciemment sont médiés par notre neocortex. Or, la détection physique d’un stress, le plus souvent externe, passe par un système plus basique et automatique de régulation du système nerveux dont l’expression des gènes CTRA est un marqueur fiable.
Les chercheurs ont récolté plus de 22600 extraits audios de 30 à 50 secondes auprès de 143 volontaires adultes et en bonne santé pendant 2 jours. Les extraits ont été classés en 4 groupes : quand la personne parle, quand elle est seule, selon le nombre moyen de mots dans l’extrait et selon la longueur moyenne des phrases. Dans ces extraits ont été repérés et quantifiés des catégories de mots fonctionnels afin d’étudier l’impact de chacun d’entre eux : adverbes, articles, auxiliaires, conjonctions, négations, prépositions, nombres, pronoms impersonnels et pronoms personnels en 5 sous-catégories (je, tu/vous, il/elle, nous, ils/elles).
Pour simplifier, il en est ressorti que le fait de ne pas parler, d’utiliser peu la troisième personne du pluriel, beaucoup d’adverbes, beaucoup d’articles (à remettre dans le contexte anglophone qui les utilise peu en temps normal) et peu de conjonctions seraient révélateurs d’un niveau supérieur d’expression des gènes CTRA et donc d’un niveau de stress physique et de vulnérabilité supérieur.
Les perspectives, médicales et bien plus…
Les applications pour le corps médical sont facilement envisageables. En effet, il pourrait être assez simple pour les praticiens de santé de repérer l’utilisation de certains mots fonctionnels et leur fréquence afin de repérer les signes de stress chez leurs patients.
Mais en voyant encore plus loin, ne pourrait-on pas envisager de former les managers pour les aider en plus des outils déjà existant à repérer les collaborateurs à risque afin de favoriser la prévention et d’éviter des situations critiques de stress ?
La présente étude ne permet pas encore de le conclure ni ne suffit à créer des outils concrets performants mais les perspectives sont très intéressantes. En revanche, en l’état, les résultats ne concernent que le monde anglophone voire même nord-américain et possède donc ses limites, y compris pour une utilisation dans des entreprises travaillant en langue anglaise dans lesquelles tous les collaborateurs ne sont pas forcément de langue maternelle anglaise ou parfaitement bilingue.
liens édités le 15.01.18
Par Audrey Charial, rédactrice Santé